Assemblée générale du bâtiment et des travaux publics des Hautes-Pyrénées
Inflation, hausse des prix des matériaux, envolée de l’énergie, problèmes de recrutements au cœur des débats
L’assemblée générale de la Fédération départementale du bâtiment et des travaux publics a eu lieu, jeudi en fin d’après-midi, à l’amphithéâtre de la Chambre de Commerce et d’Industrie, copieusement garnie avec des chefs d’entreprise et de nombreux jeunes venus d’établissements scolaires et de l’école des métiers. Placée sous la présidence de Pierre Duplaa et du vice-président Didiers Yedra, en présence de Fabien Tuleu, sous-préfet d’Argelès-Gazost, représentant le préfet Jean Salomon, cette assemblée a permis d’écouter les interventions très documentées de Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques de la Fédération Française du Bâtiment, , Daniel Domingues, directeur réseau Ouest BTP Banque. Étaient aussi présents et qui ont participé à une table ronde : Michel Pélieu, président du Conseil départemental des Hautes-Pyrénées, Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la Région Occitanie, représentant la présidente Carole Delga.
Les interventions
François-Xavier Brunet, directeur de la CCI 65, a prononcé le mot d’accueil. “Les circonstances n’ont jamais été aussi insaisissables que ce qu’elles sont aujourd’hui”, a-t-l souligné (voir audio ci-dessous)
Pierre Duplaà, président de la FBTP 65. Pour lui, le climat est agité à la veille de cette AG. « Vous le savez, le secteur du BTP a été un moteur de l’économie durant la crise du Covid. Les entreprises ne se sont quasiment pas arrêtées de produire puisque nous avons très rapidement trouvé les moyens de la sécurisation sanitaire de nos compagnons.
Depuis, qu’avons-nous vécu ?
• Une activité plutôt soutenue. Les ménages ont investi pour leur confort, et les collectivités locales ont répondu positivement à notre appel, celui de continuer à lancer des projets. Malheureusement notre développement a souvent été freiné par la difficulté à trouver de nouveaux compagnons, même en leur offrant la formation d’accès à nos métiers et une évolution certaine de carrière.
• Une folle déstabilisation des prix des matériaux, équipements et énergies donc nous voyons les premiers effets néfastes.
Comment on s’en sort ?
On s’en sort si on est groupé autour de la Fédération, outil extraordinaire d’accompagnement de nos entreprises. Les adhérents sollicitent fortement les services, mais il faut aussi qu’ils soient plus présents en syndicats de métiers, pour travailler sur les grands dossiers.
On s’en sort en poussant avec nos élus pour réclamer un rééquilibrage territorial et mettre en avant tous les atouts que nous avons.
On s’en sort en continuant à être proactifs via la Fédération. Je citerai, par exemple, les opérations de recrutement menées en partenariat avec Pôle emploi et les autres acteurs (mission locale, conseil départemental, GIP politique de la ville...), la multiplication des visites de chantiers que nous faisons traditionnellement en octobre et que nous renouvelons maintenant toute l’année.
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Didier YEDRA, Président du syndicat TP 65, vice-Président Fédération BTP
« Globalement, dit-il, l’activité s’est maintenue en 2021 malgré les soubresauts dont nous avons parlé. Il faut toutefois comprendre que cette activité est de moins en moins linéaire, et de moins en moins prévisible. Les derniers chiffres laissent apparaître une tendance à la baisse d’activité observée depuis le début de l’année pour le secteur des travaux publics. Le renforcement des tensions inflationnistes sur le second trimestre pèse sur l’activité et les prises de commandes, en chute sensible depuis avril. La visibilité des entreprises se réduit et le climat des affaires se dégrade progressivement pour la suite de l’année. Tout ceci pèse sur le moral des chefs d’entreprises. Et pourtant, nous le savons, aucun des grands enjeux ne se fera sans nous : le défi écologique, le défi de décarbonisation, le défi d’indépendance énergétique, le défi de rééquilibrage territorial, ce sont avant tout des défis d’aménagement du cadre de vie, donc des travaux de TP. mais nous avons un message important à porter pour notre profession : gardons tous la volonté d’investir !
Intervention de Denis FERRAND Directeur Général REXECODE : Il évoque les bouleversements économiques mondiaux et impacts pour la construction.
Docteur en économie de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, Denis Ferrand a été enseignement-chercheur et a conduit des études de terrain en. Thaïlande et en Corée du Sud avant de rejoindre Rexecode en tant qu’économiste puis, directeur de la Conjoncture.
Denis Ferrand est Directeur Général de Rexecode depuis fin 2008. Il est en charge du suivi et des prévisions France et Espagne.
Denis Ferrand est également chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine. Il est membre de la Commission "Economie, compétitivité et finance" du Medef, du Conseil d’Orientation pour l’emploi en tant que personnalité qualifiée et, depuis décembre 2020, du Conseil National de l’Industrie.
Il est Vice-président de la Société d’économie politique qu’il a présidée de 2016 à 2020.
« Plus que de bouleversements mondiaux qui sont de nature géopolitique, je parlerai de chocs mondiaux pour ce qui concernent l’économie mondiale : à un choc inédit de fermeture de l’économie (les confinements) a succédé un choc d’approvisionnement et de formation de pénuries puis désormais un choc énergétique. La collision de ces chocs a occasionné une transformation majeure qu’est le retour de l’inflation. Celle-ci est avant tout le produit de circonstances conjoncturelles qui vont progressivement s’effacer ne serait-ce que par la mécanique récessive qu’elle enclenche. Toutefois, cet effacement prochain n’est pas synonyme de retour à un régime d’inflation base tel que celui relevé depuis 20 ans : au choc de nature conjoncturel vont en effet succéder des déterminants bien plus structurels à l’inflation. Ce contexte vient déplacer vers le haut l’horizon de taux et donc pèsera sur la demande notamment des ménages dans un contexte où l’accès au financement va devenir moins aisé. Il risque également de déplacer vers le bas les anticipations de résultats des entreprises du secteur de la construction ne serait-ce qu’en raison de l’incomplète répercussion dans les prix du choc de coût que ces entreprises connaissent dans leur amont. Doit-on redouter un basculement- aussi marqué que celui observé lors de la précédente vague de forte inflation endurée pendant les années 1970 ? Le choc avait été majeur pour le secteur de la construction dont la valeur ajoutée progressait de plus de 6 % par an dans les dix années ayant précédé le début de la grande vague d’inflation à -0,5 % dans les dix années qui ont suivi. Un bis repetita est improbable pour de multiples raisons (hauteur de la vague d’inflation, situation initiale, tournant démographique...) mais le secteur de la construction aura face à lui de nouvelles circonstances de croissance vers lequel il aura à se tourner, la principale d’entre elles étant l’enjeu de la transition énergétique »
Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques de la FFB
Son intervention a porté sur l’état du mrché, les chiffres clés de la construction logement en France, le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) qui est un objectif fixé pour 2050. Il demande aux territoires, communes, départements, régions de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020.
Réaction de Pierre Duplaà :
Premier message, les entreprises se mobilisent pour répondre positivement aux demandes de leurs clients et aux inclinaisons du marché, et elles continueront ! RGE, qualification, groupements d’entreprises, offres globales, formation, équipements, accompagnement pour le calcul des économies d’énergie, les entreprises se sont adaptées aux nouveaux enjeux. Particulièrement dans les Hautes-Pyrénées, où le marché de la construction neuve, hors maisons individuelles, est particulièrement bas.
L’urgence climatique impose de changer de braquet et la guerre énergétique constitue un aiguillon supplémentaire. Rénover efficacement le parc est techniquement possible ; les entreprises peuvent continuer à y répondre, embaucher et monter en compétence... sous réserve d’une demande solvable – et d’une main d’oeuvre volontaire. Or, seul un nombre très limité d’acteurs peut financer cela sur fonds propres. De fait, pour un logement, une rénovation globale coûte au bas mot 45 000 € et peut dépasser 70 000 € si l’on va chercher la performance BBC. Sans accompagnement financier lourd et pérenne, les objectifs ne seront pas atteints.
L’enjeu implique aussi une réflexion à nouveaux frais sur la question des besoins, avec une vision locale et sans tabou ni dogmatisme sur la démolition-reconstruction. Entre retraits-gonflements des argiles, risques d’incendie et/ou d’inondation renforcés par les canicules, montée des eaux dans les zonés littorales, obsolescence morphologique, la pertinence d’une rénovation mérite parfois question. D’autant que la RE2020 permet de produire très sobrement en carbone, surtout si l’on y adjoint une dose de réemploi.
Réaction de Didier YEDRA :
« Juste une remarque. Pour répondre aux enjeux évoqués, seules les entreprises et les ’ artisans dignes de ce nom sont susceptibles d’apporter satisfaction.
Parler de compétences, de qualifications, de formations, d’excellence et continuer à préserver, voire à développer le régime des « auto-entrepreneurs » cela nous semble être un grand écart dangereux.
Eléments de réflexion sur le micro social
Constat : Le régime micro social a été créé dans le but de faciliter la création d’entreprise. Initialement, ce régime devait être transitoire et permettre au nouveau chef d’entreprise de s’assurer de la pérennité de son projet.
Il n’a pas eu les effets escomptés en matière de développement d’activité. Le nombre croissant de créations de microentreprises ne s’est pas traduit par une augmentation significative de l’emploi total ou même de la valeur ajoutée. Elle est souvent la traduction d’une substitution de micro entrepreneurs aux salariés et non un développement d’activités nouvelles.
En 2018, 38 % des micro entrepreneurs exerçaient une activité principale impliquant une affiliation à un autre régime de sécurité sociale. La plupart de micro entrepreneurs exerçant par ce biais de petites activités ou des activités secondaires, déclarent de faibles revenus. Environ un tiers d’entre eux déclaraient des revenus nuls et 90 % des micro entrepreneurs ont un revenu inférieur au SMIC.
Ce dispositif doit évoluer afin de mieux répondre à l’enjeu d’incitation à la création d’entreprise et non créer un régime enfermant d’anciens salariés, notamment, dans une situation de précarité favorisant la concurrence déloyale.
Le statut de micro entrepreneur doit être temporaire et servir de tremplin au lancement d’une activité professionnelle indépendante, et non constituer une trappe pour une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres.
Proposition : Il est ainsi proposé de limiter l’exercice de l’activité sous ce régime à trois années afin d’acter son caractère transitoire de tremplin vers. l’activité entrepreneuriale.
Ce délai est conforme aux statistiques démontrant que seuls 28 % des micro entrepreneurs étaient en activité trois ans après leur création.
Trois années, cela représente une durée permettant de créer une activité indépendante stable et viable.
Daniel Domingues, directeur réseau Ouest BTP
Rappel du nécessaire entretien des ouvrages et installations (canalisations ....) et de la logique économique (préventif moins cher que curatif)
Pierre Duplaa et Didier Yedra
Eléments généraux :
Le manque de maintenance de nombreuses infrastructures publiques françaises a été remis en lumière à la suite de l’effondrement du pont Morandi à Gênes. Si la maintenance lacunaire des réseaux de la SNCF et de la RATP est connue de tous, certains hôpitaux sont aussi en mauvais état, et les taux de disponibilité des centrales nucléaires s’avèrent aujourd’hui insuffisant, pour ne citer que ces exemples. De nombreuses infrastructures gérées par le secteur public arrivent ainsi en fin de cycle de vie et les accidents risquent de se multiplier.
Si les causes de cet état de fait sont en partie politiques, elles sont également à chercher dans les méthodes financières de sélection des investissements, qui délaissent la maintenance des équipements existants. Ces méthodes, très efficaces pour comparer de nouveaux projets entre eux, le sont beaucoup moins pour mettre en balance des projets de maintenance lourde avec de nouveaux projets.
Par ailleurs, la pression budgétaire globale à laquelle est soumis le secteur public conduit souvent à sacrifier la maintenance des infrastructures publiques pour allouer les ressources à la masse salariale et aux inévitables dépenses courantes.
Pourtant, le patrimoine d’infrastructures publiques d’un territoire a une valeur importante, souvent méconnue. Le lien entre celles-ci et le PIB a été démontré par de nombreuses études, en raison notamment de la valeur ajoutée en termes d’attractivité économique. Ces infrastructures sont ainsi un puissant levier pour attirer les investisseurs. Les économistes ont en effet mis en évidence le poids de la qualité des infrastructures françaises dans la forte attractivité du pays, qui se classe au 3ème rang mondial en matière d’investissements directs étrangers.
A l’instar du patrimoine immobilier, il convient donc de prendre en considération le coût des infrastructures, leur amortissement en fonction de leur durée d’exploitation et leur entretien pour en préserver à la fois la valeur patrimoniale et leur capacité à rendre le service attendu. Le sous-investissement ou l’absence d’entretien peuvent conduire à leur dépréciation ou, pire encore, à leur inadéquation progressive avec les services que l’on attend d’elles, ce qui entraîne une perturbation de l’économie locale ou nationale et des risques pour les usagers.
La maintenance des infrastructures de transport est à la fois particulièrement importante et relativement complexe. Si les patrimoines d’infrastructures publiques d’enjeu national et régional bénéficient d’une attention certaine, cela est moins vrai pour les infrastructures d’intérêt local qui ont pourtant, elles aussi, un intérêt notable pour l’économie des territoires.
Il est pourtant nécessaire d’adopter les mesures et l’enveloppe budgétaire nécessaires pour l’entretien régulier de ces infrastructures, afin de maintenir une vie économique normale, sans qu’elle puisse être entravée par des interdictions ou des restrictions d’utilisation dont les conséquences seraient bien plus lourdes que l’investissement consenti.
Conscience des budgets contraints des collectivités, mais rappel de la demande forte des concitoyens d’amélioration du cadre de vie et de la participation aux grands enjeux (exemple rénovation énergétique des bâtiments publics)
La première inquiétude des entreprises de travaux publics porte sur la santé financière des collectivités locales. En effet, l’inflation et la crise de l’énergie font peser des surcoûts sur les budgets locaux qui risquent de se traduire par une baisse des dépenses d’investissement en 2023, si l’État n’intervient pas. La Première ministre a annoncé la mise en place d’un « fonds vert » d’1,5 milliard d’euros pour les collectivités locales, dédié à des investissements en matière de lutte contre le changement climatique. Cette proposition, si elle va dans le bon sens, ne peut à elle-seule satisfaire les besoins des collectivités locales pour faire face à la crise énergétique actuelle. C’est la raison pour laquelle, nous soutenons la demande des associations d’élus d’indexer la Dotation Globale de Fonctionnement sur l’inflation, seule mesure de portée générale qui permettra de stopper la dégradation progressive de son montant.
Présentation de la demande de création d’un comité local d’analyse et de la commande publique)
Sur la question des marchés des entreprises, je me permets de réaffirmer notre souhait de se voir créer un comité d’analyse et de suivi de la commande publique. Force est de constater qu’il n’existe pas, à ce jour, de lieu dédié à l’échange, la concertation, le suivi, l’analyse entre les intervenants à l’acte de construire. Un comité d’orientation de la commande publique existe au niveau national, et sollicitons de votre bienveillance l’analyse d’une déclinaison départementale. Au niveau local, il semble incontournable que ce comité soit ouvert, à Minima, à des représentants des bonnes volontés suivantes :
Etat/Conseil départemental/Principales mairies/Intercommunalités des Hautes-Pyrénées/AMF/Ordre des architectes/Bailleurs sociaux/Hôpitaux/Armée/ADAC/SDE La cellule économique CERC BTP, sollicitée en son temps sur cette idée, avait exprimé son intérêt et sa disponibilité pour aider à l’animation de ce comité.
Une table ronde a réuni les grands témoins : Gérard Trémège, Jean-Louis Cazaubon et Michel Pélieu. C’est Fabien Tuleu, au nom de l’Etat, qui a conclu les interventions