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Agricultrices « en détresse » : La mort est dans le pré

vendredi 20 octobre 2017 par Rédaction

C’est une éleveuse de brebis du département qui nous adresse cette lettre ouverte. Confrontées à la crise qui frappe l’agriculture et les éleveurs en particulier, les agricultrices, conjointes et épouses, n’en peuvent plus. L’Etat ne tient aucun engagement, certaines n’ont pas eu le versement complet de leurs aides depuis 2015 et en plus elles doivent subir les délires de l’écologie extrémiste avec la présence de grands prédateurs comme l’ours, le loup ou le lynx.

Si dans les Pyrénées, la situation est moins dramatique avec l’ours qu’ailleurs avec le loup, la situation n’en est pas moins difficile lorsqu’il faut marcher plusieurs heures pour rejoindre l’estive. Ces femmes en détresse ne travaillent pas 35 heures par semaine sur 5 jours. Elles prennent rarement de vacances avec leurs enfants et elles sont toujours là…. Quoique les suicides existent aussi chez elles.

Nous diffusons cette lettre ouverte pour que chacun puisse tenter de comprendre la situation dramatique dans laquelle se trouve notre agriculture pendant que d’autres s’amusent à coup de milliers d’euros à jouer avec des nounours en nous baladant dans le mensonge et la manipulation pour leur seul plaisir.

Louis Dollo

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Lettre ouverte

Appel d’un collectif d’agricultrices « en détresse » : La mort est dans le pré

Nous sommes toutes agricultrices. Nos passés se distinguent et nos horizons divergent. Mais il y a une chose qui nous unit aujourd’hui : notre détresse.

Tout a commencé le jour où nous avons embrassé la profession d’agricultrice, seules, aux côtés de nos conjoints ou de nos maris.

Être Agricultrice, nous en avons longtemps rêvé. Comme un enfant à qui l’on demande ce qu’il souhaite entreprendre plus tard, pour nous c’était d’une évidence implacable. Puis nous sommes devenues ce à quoi nous aspirions le plus : être agricultrice. Le métier ne nous a plus quitté.

Outre la destinée, quoi de plus noble et valorisant que de pouvoir donner à l’Humanité les moyens de se nourrir, de s’accomplir. A une certaine époque tout cela avait un sens. Le métier appelait chacun à se surpasser, parfois même à fermer les yeux sur des aberrations. Mais quoi de plus normal lorsqu’on accomplit ce si beau métier.

Mais très vite, l’horizon s’est obscurci, pour nos exploitations, pour nos familles. Les conditions de travail sont devenues d’années en années toujours plus difficiles, dès lors que nos outils de production ont été obligés de croître par la pression des industriels. Ils ont peu à peu étendu leur emprise sur nos vies.

En 2016 « rendement, compétitivité, et horaires inhumains » ponctuent notre quotidien. La vie de famille n’occupe plus que la portion congrue, quand elle n’est pas déjà inexistante. Le moral a dévissé. Etre agriculteur aujourd’hui, quel beau métier !

La révolte se poursuit. Les chantiers agricoles ont largement repris leurs droits dans nos campagnes ce qui a plongé la protestation dans un sommeil, léger. Car si la profession est attelée momentanément aux travaux agricoles, le désespoir, lui aussi, poursuit sa basse besogne. Du côté des industriels, des coopérateurs, des intermédiaires et de tous ces acteurs qui eux, continuent de se nourrir grassement sur « la bête agricole » que nous sommes. Messieurs, votre silence devient assourdissant. Otez vos œillères et prenez enfin vos responsabilités !

En France toutes les deux heures, trois exploitations agricoles mettent la clef sous la porte. On dénombre par ailleurs un suicide d’agriculteur tous les deux jours. Ces filles et fils de la terre, de tous âges, se donnent la mort en laissant derrière eux famille et amis. Etre agriculteur aujourd’hui c’est à terme accepter de mourir trois fois : moralement, économiquement et physiquement.

Et, nous agricultrices, dans toute cette colère et ce désespoir, nous ne pouvons qu’assister à ce qui s’apparente à une extinction de classe, à un véritable génocide.

Nous, veuves agricultrices, célibataires agricultrices, conjointes d’exploitation et femmes d’agriculteur sommes les témoins de ce spectacle. Bien que battantes, nous demeurons en première ligne. Ce combat pour la vie, pour la survie même de notre métier, nous ne l’avons, lui, pas choisi. Femme active et épouse, nous sommes aussi en première ligne dans la gestion des comptes de l’exploitation et du foyer. Supporter seule le poids du stress et du travail, gérer les créanciers, assister à l’impuissance et à la colère de nos conjoints : quel beau métier !

Alors, souvent mises à rude épreuve, nous demeurons debout. Mais lorsque vient le moment d’expliquer à nos enfants que nous devons vivre avec le RSA, qu’il n’est plus possible de se passer des Restos du cœur pour pouvoir se nourrir, nous qui de par notre métier nourrissons les autres, comment trouver les mots ?

Quel contrepied cruel, quel coup du sort !

Tristesse, misère, et découragement sont notre quotidien, pendant encore combien de temps allons-nous pouvoir tenir ?

Bien sûr, nous souffrons de notre manque de communication, d’échanges avec l’autre extrémité de la chaîne alimentaire. Comment vous faire comprendre que notre déclin est la mort à petit feu de tous les corps de métier qui gravitent et travaillent autour de nous. « L’agriculture ne sert plus à nourrir la population, mais à produire des devises » (citation de Robert Linhart). « Il faut rendre sa place à l’agriculture » (Alphonse Kaar).

Nous ne souhaitons pas devenir les plus riches du cimetière, pour reprendre une expression largement utilisée dans nos campagnes, mais uniquement être en capacité de vivre dignement de notre si beau métier.

Aidez-nous à résister et à continuer d’exister. Etant le premier maillon de la chaîne, notre proche disparition sera le début d’une longue agonie.

Collectif « paroles d’agricultrices face à la crise »