Site d’informations en ligne, sur Tarbes et le Grand Tarbes

  Informations Lourdes et Grand Tarbes  Informations Lourdes et Pays de Lourdes  Informations Bagnères de Bigorre  Informations Argelès-Gazost Vallées des Gaves  Informations Pays de Lannemezan  Information Pays du Val Adour  Informations Hautes-Pyrénées     
         

La manifestation interprofessionnelle contre le projet de loi « Travail » a réuni 1500 personnes samedi à Tarbes

dimanche 10 avril 2016 par Rédaction

Le rendez-vous lancé par 4 syndicats professionnels et 3 organisations de jeunes ce samedi 9 avril à Tarbes a mobilisé plus de 1500 personnes, 2500 selon les syndicats. Le mouvement social contre le projet de loi « Travail » continue à motiver les citoyens de tous horizons et de toutes générations. Le défilé a aussi permis de révéler l’inquiétude des salariés du secteur privé concernant l’avenir de certaines entreprises bigourdanes, comme la plateforme téléphonique « Meilleur Contact » à Saint-Laurent-de-Neste.

Malgré la fatigue de la semaine écoulée, ils ont décidé de se lever tôt ce samedi matin, pour aller exprimer dans la rue leur rejet du projet de loi « Travail ». Plus de 1500 personnes, 2500 selon les syndicats, ont défilé ce 9 avril dans les rues de Tarbes, dans une ambiance à la fois festive et grave. En tête de cortège, la banderole de l’intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires résume le sens de cette manifestation : « pour un code du travail protecteur, retrait de la loi Travail ». Malgré la position nationale de leur confédération, des salariés de la CFDT des entreprises Alstom et Socata sont aussi au rendez-vous, en fin de cortège.

Les lycéens, très mobilisés jeudi et vendredi, ont marqué une pause ce samedi. Une vingtaine d’entre eux ont quand même répondu à l’appel des organisations étudiantes et lycéennes. « Mon père travaille souvent 15 heures par jour, et aussi les jours fériés ou les week-ends », confie Joséphine, élève au lycée Marie Curie de Tarbes. La voix cassée par l’énergie déployée lors des blocus et des manifestations, la jeune fille explique ainsi sa motivation : « j’ai promis à mon père de ne jamais accepter d’être exploitée comme il a pu l’être ». Maïna, élève dans le même lycée, assure que les jeunes « sont conscients des raisons pour lesquelles ils manifestent, contrairement à ce que certains adultes pensent. Nous avons lu le projet de loi El Khomri, et nous le rejetons, car ses propositions vont à l’encontre des intentions exprimées. Au bout, il n’y aura pour nous que de la précarité ». Les deux jeunes filles ont été choquées par le comportement d’une poignée de « lycéens », qui ont commis quelques dégradations dans la journée du 8 avril. « Ils ne s’intéressent pas à notre mouvement et ne cherchent qu’à se défouler. Nous avons l’envie de construire une mobilisation pacifique ». Concernant le blocus du lycée Marie Curie, et la polémique autour de l’accès aux cours pour les étudiants en BTS, aggravée par le comportement « musclé » du proviseur, Joséphine et Maïna s’expliquent. « Nous avons été voir la conseillère principale d’éducation pour lui dire que nous laisserions passer les étudiants en BTS qui avaient des examens ce jour-là. Et c’est ce que nous avons fait. Notre blocus avait surtout une valeur symbolique, pour exprimer notre opposition au projet de loi et informer les autres lycéens ». De fait, les étudiants ont pu rentrer dans le lycée jeudi matin, et le blocus du lendemain a été léger.

Au cœur de la manifestation, une banderole de Force Ouvrière attire l’attention par son message inquiétant : « Meilleur contact Saint-Laurent-de-Neste : le début de la fin ? ». Sophie et ses collègues sont salariés de cette plateforme téléphonique, dont l’avenir à court terme les préoccupe. « Nous étions 140 l’an dernier, 70 cette année, et le principal client de ‘Meilleur contact’ va cesser sa collaboration fin décembre. Nous ne savons pas ce qui va se passer ensuite, et nous sommes très inquiets pour nos emplois ». Dans cette société, plus de 50% des salariés sont syndiqués, et la participation aux élections professionnelle a été très élevée. « Nous manifestons contre le projet El Khomri, car il va encore accentuer la précarité pour des salariés comme nous », précise Sophie.

Membre du personnel communal de Tarbes et syndiqué à la CGT, Gilles Haurie souligne que « la prochaine étape après la casse du code du travail sera la remise en question du statut des fonctionnaires, qui a déjà commencé depuis plusieurs mois ». Il évoque aussi la loi NOTRE, qui vise selon lui à « adapter l’organisation des territoires aux besoins du MEDEF, contre l’intérêt des agents et des populations ». Véronique Courtois, secrétaire de Sud Santé Solidaires, dénonce la clause de la loi El Khomri ouvrant la possibilité de travailler 12 heures par jour. « Les personnels de santé sont déjà épuisés et en surcharge de travail. Que se passera-t-il pour les patients qui auront besoin d’être soignés entre la onzième et la douzième heure de travail d’une infirmière ? ». Véronique s’inquiète de la suppression des lits pour accueillir les malades, et de la cession progressive d’une grande partie de l’hôpital public au secteur privé. « Il faudrait au contraire embaucher davantage de jeunes dans les services publics, et aussi augmenter les salaires, compte tenu de la charge de travail croissante ».

Dans le cortège, une jolie banderole attire le regard des passants : une bande dessinée réalisée par un demandeur d’emploi, qui signe son œuvre « MD, avec l’aide de A ». Licencié par son entreprise du bâtiment, il se retrouve au chômage pour la première fois de sa vie à l’âge de 50 ans. « Ce n’est pas ce projet de loi qui me donnera du boulot. On ne demande pas l’avis du peuple. Avec cette loi, on risque de revenir 100 ans en arrière, et cela commence vraiment à nous gonfler ! ». Maryline, travailleuse handicapée, est venue manifester en fauteuil roulant, accompagnée par une amie, Claude. « C’est important de se retrouver tous ensemble dans la rue, pour faire entendre nos revendications et demander le respect de nos droits. Si la mobilisation est suffisamment forte, les choses pourront avancer ».

Michel Sanciaud, président de l’association ATTAC 65, défile avec un badge qui porte ces mots : « loi El Khomri, vie pourrie. France insoumise.fr ». Il explique l’engagement des membres de l’association dans ce mouvement social. « Nous protestons à la fois contre la loi « Travail » et contre l’accord TAFTA. Vendredi soir, nous avons organisé une conférence publique à Tarbes pour dénoncer les traités transatlantiques. Le TAFTA vise à soumettre les Etats aux exigences des Firmes Multinationales ». Victor et Pierre, anciens élèves du lycée Marie Curie, sont venus apporter leur soutien aux jeunes qui défilent. « Aujourd’hui, nous sommes respectivement professeur et ingénieur. Nous avons manifesté autrefois contre le CPE. Les lycéens d’aujourd’hui ont compris que ce projet de loi « Travail » est dangereux pour leur avenir. Quand nous voyons l’ampleur de leur mobilisation, à Tarbes et ailleurs, cela nous donne de l’espoir ». Dans le cortège, plusieurs partis politiques sont présents, de manière discrète. Henri Lourdou, élu écologiste, défile avec son vélo de « cyclo-motivé ». Marie-Pierre Vieu, élue communiste, est venue avec sa petite fille. Quelques banderoles du Front de Gauche, de NPA ou de LO flottent dans les airs. La gauche alternative, dans toutes ses composantes, est fidèle au rendez-vous.

Au terme de la manifestation, place de Verdun, les responsables de la CGT, de FO, de la FSU et de Solidaires se relaient pour lire la déclaration intersyndicale, dans un registre lyrique. Après avoir chanté un extrait du « Chant des partisans » les leaders syndicaux placent le débat à un niveau symbolique. « Aujourd’hui, comme cela s’est déjà produit dans l’histoire, le peuple français a rendez-vous avec son destin. Il lui appartient de se soumettre ou de rentrer en résistance. Nous sommes là unis, pour exiger le retrait du projet de loi « Travail », ou plutôt de loi de soumission au capital ! ». Les syndicats stigmatisent un Etat qui, « au lieu de jouer son rôle de protecteur auprès des plus faibles, n’a plus qu’un cap : garantir les ressources des actionnaires. Il s’agit d’assurer la rente du capital, quel qu’en soit le prix à payer pour les salariés, les privés d’emploi, les retraités, les citoyens et la jeunesse ». Pour les organisations professionnelles, « cette réforme du code du travail, dont le MEDEF est le donneur d’ordre et le gouvernement le sous-traitant de premier rang, vise à réduire les droits et les protections sociales des salariés, uniquement pour répondre aux exigences du patronat. C’est la recherche d’un salariat ‘low cost’, avec la mise en concurrence entre salariés ».

Les syndicats évoquent aussi les jeunes étudiants « qui sont aussi des salariés, et qui connaissent déjà l’exploitation patronale ». Ils ajoutent que « si les jeunes tiennent à leur individualité, ils ne sont pas individualistes. Cette société-là, ils n’en veulent pas. C’est bien le message que les organisations de jeunesse ont exprimé le 31 mars, le 5 avril et ces deux derniers jours à Tarbes ». Les organisations professionnelles rappellent aussi que la Communauté d’agglomération du Grand Tarbes, suite à une proposition des élus du Front de Gauche, a voté le 31 mars une motion demandant le retrait du projet de loi « Travail », afin « d’ouvrir une négociation ayant pour objectif de trouver des mesures pour l’emploi et l’intérêt des salariés ».

Les organisations syndicales achèvent leur intervention en appelant les citoyens à « une nouvelle journée nationale de grève interprofessionnelle et de manifestation le 28 avril prochain ». Près de la fontaine de la place de Verdun, la banderole avec la Bande dessinée de « MD » flotte dans les airs. Elle affiche un raccourci chronologique saisissant : « 1919, adoption de la loi des 8 heures. 2016, travail le dimanche, les jours fériés, et 12 heures par jour ! ».

Jean-François Courtille