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Eliane Bousquet-Coduri, pionnière de la Bibliothèque Centrale de Prêt des Hautes-Pyrénées

samedi 24 décembre 2016 par Rédaction

La lecture publique dans notre département doit beaucoup à cette pionnière, qui a fondé, en 1966, la Bibliothèque Centrale de Prêt des Hautes-Pyrénées. Portrait d’une passionnée dont la vie a été consacrée à la défense de l’accès au livre pour tous, alors que le département fête les 50 ans de la BCP.

Créer une Bibliothèque Centrale de Prêt dans les Hautes-Pyrénées. Telle est l’ambitieuse mission confiée par le Ministère de l’éducation nationale, en 1966, à une jeune diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Bibliothécaires, Eliane Coduri. Originaire de l’Ain, Eliane a grandi en Arles, avant de partir à Aix-en-Provence pour y suivre des études supérieures de lettres. Elle est ensuite l’une des rares femmes à réussir le difficile concours d’entrée à l’Ecole Nationale Supérieure des Bibliothécaires, à Paris. Après avoir décroché son diplôme, Eliane Coduri est nommée dans les Hautes-Pyrénées. « Les deux salles prévues initialement pour la future Bibliothèque Centrale de Prêt au sein des locaux du Département n’ont pas été libérées par l’architecte. Finalement, on m’a attribué deux salles de l’ancienne Ecole Normale, située Georges Magnoac, à Tarbes. La BCP est donc née virtuellement le 7 janvier 1966, mais il me fallait tout mettre en place ». L’une des deux salles sera réservée au stockage des livres. Eliane installera son bureau dans l’autre salle. En attendant la mise en état de ce local, la jeune femme est accueillie pendant plusieurs semaines au Centre Départemental de Documentation Pédagogique.

Elle commence à constituer son équipe, avec le recrutement d’une secrétaire, Eliane Laulhé. En 1967, elle recrute un chauffeur, Guy Delaine, qui conduira le premier bibliobus de la BCP. « Il m’a d’abord accompagné au cours de mes démarches pour proposer un dépôt de livres. J’ai écrit à 100 mairies et à 100 écoles. J’ai finalement réussi à créer 75 dépôts, alors que Monsieur l’Inspecteur Général des bibliothèques, au Ministère de l’éducation nationale, pensait que je ne dépasserai pas les 25 créations ! ». Eliane Coduri peut alors compter sur un fonds de 4000 livres. La direction des Bibliothèques en offre 1800 à la BCP des Hautes-Pyrénées. La BCP de Tours, au sein de laquelle la jeune femme a effectué un stage de deux mois à l’issue de sa formation, lui donne 300 livres. Les autres ouvrages sont achetés. En octobre 1967, une nouvelle secrétaire, Viviane Coubès, remplace Eliane Laulhé, partie au Centre Départemental de Documentation Pédagogique. Et une bibliothécaire, Thérèse Saintignan, est recrutée. « A la fin de l’année 1967, nous étions désormais quatre agents au sein de l’équipe de la Bibliothèque Centrale de Prêt des Hautes-Pyrénées ». Au printemps 1968, Joël Bruneau, un ancien moniteur d’auto-école, prend la succession de Guy Delaine, parti vers d’autres horizons. L’année suivante, l’association des amis de la BCP est fondée. Elle est présidée par le préfet Michel Barbier. Hubert Peyou, président des Hautes-Pyrénées, assure la vice-présidence de l’association. Principaux objectifs : réunir des personnalités locales, percevoir des subventions, et réaliser de nombreuses animations auprès du public. « J’ai ainsi organisé, avec mon équipe, et avec l’appui de l’association, une vingtaine d’expositions, entre 1974 et 1994. Le premier exposant a été un artiste peintre, dessinateur, écrivain et sculpteur, Claude Brugeilles. Il a réalisé l’affiche de l’exposition, sur le thème des oiseaux ». Avec l’aide du préfet Gérard Prioux, Eliane Coduri obtient la cession d’un terrain situé boulevard Claude Debussy, à Tarbes, pour y installer les futurs locaux de la BCP. Le personnel s’y installe en mars 1976, avec les livres, le matériel et le bibliobus. Les locaux ont une surface de 1200 m2, dix fois plus que dans le premier siège de la BCP, rue Magnoac. Une cinquième personne rejoint l’équipe, qui compte désormais une directrice, une bibliothécaire, un chauffeur et deux secrétaires.

Depuis 1975, la BCP des Hautes-Pyrénées a changé de ministère de tutelle. Elle quitte l’Education Nationale pour rejoindre la Culture. Elle y restera jusqu’en 1992, date de la décentralisation des bibliothèques et du personnel. En 1977, la BCP remplace son premier bibliobus et acquiert en plus une camionnette. Un an après, l’équipe compte 8 agents. En 1980, le chauffeur Joël Bruneau est remplacé par Edmond Morera. Un deuxième bibliobus est ajouté à la petite flotte de la BCP. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, l’activité des BCP est encore plus valorisée et financée. Les aides de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi-Pyrénées et du Conseil général permettent à Eliane Coduri, mariée dans l’intervalle avec Jean Bousquet, de développer encore plus la Bibliothèque Centrale de Prêt. Quand elle quittera la BCP, 648 dépôts auront été constitués dans le département. Eliane Bousquet met en place aussi une petite activité d’édition d’écrivains régionaux. Elle éditera au total 21 ouvrages, avec une moyenne de 500 exemplaires pour chacun. Elle acquiert aussi de nombreux livres pour la jeunesse. En 1986, l’arrivée du Directeur Administratif des Services du Conseil Général, Pierre Ricou, coïncide avec la création de plusieurs nouveaux postes pour la BCP. « J’ai obtenu cinq postes supplémentaires. Et un troisième bibliobus, conduit par Joseph Costedoat, a rejoint notre flotte ». Au plus fort de l’activité de la BCP, les effectifs regroupent 20 personnes, vacataires compris. Eliane Bousquet reçoit en 1986 les palmes académiques et la distinction de chevalier des arts et lettres. Elle sera aussi promue chevalier dans l’ordre national du mérite en 1996.

Ce parcours exemplaire connaît un tournant en 1992, avec la nomination d’un nouveau Directeur Général des Services au Conseil Général des Hautes-Pyrénées, qui restera jusqu’en 2010, avant de partir sous d’autres cieux. En 1994, Eliane Bousquet apprend que la Bibliothèque Centrale de Prêt va faire l’objet d’un audit, en vue d’une restructuration. Au mois d’octobre, elle reçoit l’audit provisoire, qu’elle conteste vivement, estimant infondées les reproches qui lui sont adressés, après 28 années de bons et loyaux services. Convoquée par le président des Hautes-Pyrénées de l’époque, Eliane apprend qu’elle doit quitter la BCP pour un poste de « conseiller culturel » du président, dès le lundi suivant. Elle est remplacée par un agent administratif. Le 1er mars 1995, Eliane démarre sa nouvelle mission, sans moyens pour la mener à bien. Elle dépose alors un recours devant le Tribunal administratif de Pau, et obtient gain de cause. La cour administrative d’appel de Bordeaux confirme la décision. Eliane Bousquet reçoit alors son indemnité compensatoire, et quitte les Hautes-Pyrénées pour Paris. Elle y restera jusqu’à sa retraite, fin 2001, travaillant à la Bibliothèque Nationale de France où elle est chargée de l’acquisition d’ouvrages de référence en latin et en grec ancien. La fondatrice de la Bibliothèque Centrale de Prêt des Hautes-Pyrénées, 50 ans après son œuvre pionnière, estime avoir mené à bien sa mission culturelle. Mais elle garde le goût amer d’avoir vu sa fin de carrière bouleversée par l’action d’une partie de sa hiérarchie, condamnée devant les tribunaux. « J’ai fait travailler mes collaborateurs autant avec ma tête qu’avec mon cœur. J’estime que ma compétence n’était plus à démontrer, quoiqu’aient pu en penser des cadres administratifs qui n’avaient pas fait l’Ecole Normale Supérieure des Bibliothèques ! ». Eliane Bousquet peut en tous cas contempler avec fierté le chemin parcouru depuis son arrivée à Tarbes en 1966. Quand la Bibliothèque Centrale de Prêt n’était encore qu’un projet virtuel, au service du développement de la lecture pour tous.

Jean-François Courtille