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Cyril Dufourcq, directeur de la Polyclinique de Tarbes : « je suis confiant dans la médiation »

samedi 17 décembre 2016 par Rédaction

Alors que le conflit social à la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées va entamer son 40ème jour, Cyril Dufourcq, directeur de l’établissement, livre son analyse de la situation. Il espère que la nomination du médiateur va favoriser la recherche d’un compromis acceptable avec les grévistes et la CGT.

Les salariés de la Polyclinique en grève ont décidé jeudi soir, en assemblée générale, d’accepter le principe d’une médiation pour tenter de débloquer la situation actuelle. Etes-vous favorable à cette proposition ?

Nous avons répondu à Madame la Préfète que nous acceptions cette médiation. C’est d’ailleurs la proposition que nous avions déjà formulée le 26 novembre dernier. La rencontre avec le médiateur, Monsieur Martin, aura lieu lundi 19 décembre à 11h, dans un lieu encore à définir, probablement au siège de la DIRECCTE de Tarbes. Je suis confiant dans cette médiation. Nous en sommes à 40 jours de grève. Tout le monde est fatigué, les grévistes, les non-grévistes, les médecins, les patients. Nous avons le devoir de nous remettre rapidement autour de la table de négociation et de trouver une solution acceptable par tous.

Comment expliquez-vous la durée exceptionnelle de ce conflit social avec vos salariés, qui va passer le cap du quarantième jour ce samedi 17 décembre 2016 ?

C’est en effet un conflit d’une longueur et d’une intensité exceptionnelle pour la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées. Le mal est profond depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, les salariés ressentent le besoin de s’exprimer. A cela s’ajoutent les nombreuses contraintes financières et règlementaires. Nous sommes tous amenés à réorganiser en profondeur nos établissements. Le problème n’est d’ailleurs pas spécifique à l’Ormeau-Pyrénées, mais il touche l’ensemble du système hospitalier de santé. Un préavis de grève a d’ailleurs été déposé pour le 21 décembre 2016 dans les centres hospitaliers de Tarbes et de Lannemezan. Un malaise global traverse actuellement le monde de la santé, il faut l’entendre. A la Polyclinique, nous avons été pénalisés par la diminution des tarifs imposés par l’Etat : 2,5 % en 2014, 2% en 2016. Cela a entraîné une perte de 600 000 à 700 000 euros de chiffre d’affaires. Nous sommes aussi confrontés à une démographie médicale incertaine. Il nous est difficile de recruter des médecins pour les faire venir dans les Hautes-Pyrénées. A ce jour, la Polyclinique compte 110 médecins, en plus des 558 salariés (488 équivalents temps plein). Pour 2016, nous avons eu 3 départs en retraite de médecins non remplacés. 2 autres médecins ont démissionné. J’ai recruté récemment un chirurgien étranger qui maîtrise parfaitement la langue française, mais je ne suis pas certain de le récupérer dans mes effectifs, compte tenu du contexte de la grève. Enfin, 3 autres médecins seront à la retraite en 2017.

Que représente selon vous l’enveloppe globale proposée aux salariés concernant la hausse de leur rémunération et à combien chiffrez-vous aujourd’hui les pertes financières occasionnées par le mouvement de grève ?

Je ne saurai pas vous chiffrer avec exactitude le montant de cette enveloppe pour l’année 2016, mais la proposition présentée aux déléguées des salariés et à la CGT lors de notre dernière rencontre de négociation, jeudi soir, était la suivante : un RAG (l’équivalent d’un treizième mois) à 8,33, et une prime exceptionnelle de 500 euros bruts, par personne. Je ne souhaite pas vous donner le chiffre des pertes financières, mais sachez en tous cas que je réfute le chiffre de 600 000 euros par semaine avancé par la CGT. La grève a entraîné la fermeture partielle de la clinique de l’avenue des Pyrénées, au sein de laquelle les hospitalisations ont cessé, ce qui vous explique pourquoi l’établissement est quasiment vide ce vendredi soir. La clinique reste néanmoins ouverte pour les consultations et les soins externes. Le blocage de la clinique de l’Ormeau-Centre a été levé ce vendredi 16 décembre 2016 par les salariés en grève et la CGT. Je déplore malgré tout certains soucis rencontrés par des personnes qui souhaitaient accéder à cette clinique jeudi. Nous avons une attestation qui signale qu’un camion de pompiers, acheminant une personne pour des soins urgents en cardiologie, a été bloqué. C’est le médecin cardiologue qui a dû venir lui-même chercher le patient pour le faire entrer dans la clinique. (Renseignements pris ce vendredi soir auprès de José Navarro, de l’UD CGT, le camion de pompiers aurait été invité à faire le tour du pâté de maisons pour accéder aux urgences par une autre rue, mais aurait refusé de le faire, contrairement aux autres véhicules d’urgence, NDLR).

Les salariés en grève insistent beaucoup sur la dégradation de leurs conditions de travail. Ils évoquent aussi le projet de regroupement des trois services Hospitalisation Semaine 1, Hospitalisation Semaine 2 et chirurgie conventionnelle, qui remettrait en cause la composition de leurs équipes et les obligerait à travailler dans des services dont ils n’ont pas les compétences et l’expérience. Que répondez-vous à cela ?

Nous avons élaboré un projet en ce sens qui a été présenté en juin 2016 et qui a été mis en application le 7 novembre 2016, veille du début de la grève. Ce projet s’appuie sur le constat de la diminution de la durée moyenne de séjour hospitalier, qui découle de l’amélioration des techniques d’opération et d’anesthésie. Encore récemment, une appendicite nécessitait 6 jours d’hospitalisation. Aujourd’hui, 3 jours suffisent. D’où l’idée de mettre en place un système qui dissocie la chirurgie conventionnelle, avec des durées d’hospitalisation de moins d’une semaine, et la chirurgie complexe, avec des hospitalisations plus longues. Nous avons évoqué une période d’observation de trois mois avant la mise en place définitive de ce projet. Un appel à candidature a été lancé pour chaque service. Nous avons organisé des groupes de travail pour permettre au personnel soignant de travailler sur les nouveaux plannings. Nous avons aussi revu l’équipement pour que le personnel puisse travailler dans les meilleures conditions. A ce jour, 1,2 millions d’euros ont été consacrés, au sein de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, à l’acquisition de matériel, que ce soit pour les investissements ou pour le respect de la règlementation, pour le matériel médical ou pour les équipements de sécurité. Nous avons par ailleurs un projet de déménagement entier de la stérilisation, pour mieux l’adapter aux nouvelles conditions de travail. Nous devions le présenter aux Instances Représentatives du Personnel quand la grève a commencé.

Les Agents de Service Hospitalier ont exprimé fortement leur aspiration à être reconnues comme membres à part entière des équipes du personnel soignant. Elles ont d’ailleurs été soutenues dans cette démarche par les infirmières et les aides-soignantes. Que répondez-vous à leurs préoccupations ?

Je les renvoie à ce sujet au document qui définit les compétences respectives des infirmières et des aides-soignantes. Tout cela est très règlementé aujourd’hui. Les Agents de Service Hospitalier ne sont pas habilitées à effectuer des soins. Leur attitude bienveillante dans l’accompagnement des patients est à saluer, mais c’est aussi ce qui leur est demandé, de même qu’à tous les salariés de la Polyclinique, tous métiers confondus. Par ailleurs, il n’a jamais été question de les affecter au sein de plusieurs services. Nous avons eu un problème de communication, quand nous avons annoncé notre projet de créer un poste de gouvernante pour accompagner les ASH. En fin de compte, elles resteront attachées à une même équipe et à un même service.

Une autre pomme de discorde avec les salariés est celle du montant des rémunérations, qui se situent parmi les plus basses pour le secteur de la santé dans la région Occitanie. Ils pointent aussi le fait que la Polyclinique fait « remonter » 8,8 millions d’euros au groupe Médipôle Partenaires, ce qui tendrait à démontrer votre capacité à accéder à leurs revendications salariales.

Le rapport de la SECAFI concernant la gestion de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées mentionne en effet ces 8,8 millions d’euros, mais n’y trouve rien à redire. Nous sommes satisfaits de pouvoir compter sur cette réserve d’argent en cas de nécessité. Concernant le faible niveau des salaires, nous en sommes bien conscients. Néanmoins, la valeur indiciaire du point reste l’une des plus élevées parmi les cliniques du groupe Médipôle Partenaires. Nous signalons d’ailleurs que les Négociations Annuelles Obligatoire sur les salaires n’existent au sein de notre établissement que depuis 2012, à savoir deux ans avant le rachat de la Polyclinique. Le syndicat s’appuie sur des chiffres de l’année 2015 pour construire son argumentation, mais notre chiffre d’affaire sera en baisse pour 2016, et les prévisions ne sont pas bonnes pour 2017. Nous déplorons que les salariés en grève et la CGT aient refusé nos propositions sur les rémunérations lors des précédentes négociations, mais nous ne pouvons pas non plus accepter leurs propositions actuelles.

Avez-vous eu des contacts récents avec l’antenne tarbaise de l’Agence Régionale de Santé ?

L’ARS nous a inspectés tout au long de cette semaine. Cela avait déjà été le cas la semaine passée. Nous sommes à leur disposition et je les ai chaque jour au téléphone pour faire avec eux l’état des lieux de la prise en charge de nos patients. Ils s’inscrivent dans une démarche de surveillance, de tutelle et d’enquête. Nous attendons leurs rapports d’ici peu. C’est pourquoi je suis choqué par les slogans tels que « ARS complice », car ils accomplissent leur mission normale. Nous travaillons aussi très régulièrement avec le Centre Hospitalier de Tarbes, que je tiens à remercier pour sa disponibilité, dans ces circonstances difficiles.

Quand le travail va reprendre, vous allez être confrontés aux blessures générées par ce long conflit social. Il s’agira de retisser les liens entre grévistes et non-grévistes, salariés et cadres, personnel soignant et médecins. Comment allez-vous procéder ?

Cela demandera en effet un accompagnement de proximité. Nous avons vendu cette semaine le bâtiment que les salariés appellent « villa administrative », situé aujourd’hui en face de la clinique de l’Ormeau-Centre. Désormais, les services de direction seront installés à l’intérieur de cette clinique. Cela nous semble important d’être plus proches physiquement des salariés. Mais dans l’immédiat, nous souhaitons surtout trouver le plus rapidement possible un compromis permettant de mettre fin à la grève. La situation sanitaire de notre département devient critique, ainsi que l’ont déjà souligné à plusieurs reprises les médecins. Notre priorité est de pouvoir répondre du mieux possible aux demandes de nos patients.

Propos recueillis par Jean-François Courtille