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Chassé-croisé de communiqués à la Polyclinique de l’Ormeau, soutien unanime du Conseil Départemental aux grévistes, 17 salariés assignés au tribunal, succès du loto de solidarité à Séméac

samedi 10 décembre 2016 par Rédaction

Journée mouvementée pour les salariés de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées à Tarbes, en grève depuis 32 jours. Ils ont vécu tour à tour le chaud et le froid ce vendredi 9 décembre 2016. Le chaud, avec un soutien unanime des élus au Conseil Départemental des Hautes-Pyrénées, qui ont reçu une délégation de trois salariés pendant leur séance et ont voté une motion en leur faveur. Le froid, avec une assignation au tribunal de Tarbes mardi pour 17 des grévistes, en raison de l’occupation du site de l’Ormeau-Centre. La direction a transmis à la presse et au personnel non-gréviste une lettre de propositions envoyée à Laurence Charroy, déléguée CGT, dont elle n’avait pas eu connaissance. Un imbroglio qui n’a pas permis la reprise des négociations. De son côté, la population continue à soutenir les grévistes, comme en témoigne la réussite du loto de solidarité, qui a rassemblé plus de 800 personnes à Séméac.

Un silence respectueux accueille les trois représentantes des salariés en grève de la Polyclinique de Tarbes, ce matin du 9 décembre 2016, dans la salle de délibération de l’Hôtel du Département des Hautes-Pyrénées. La gorge un peu nouée par l’intensité de l’événement, Laurence Charroy, déléguée CGT de l’établissement, et auxiliaire de puériculture, prend la parole. Elle est entourée par Nadège, secrétaire, élue au CHSCT, et par Isabelle, aide-soignante et membre de la délégation lors des premières négociations avec la direction de la Polyclinique. « Notre direction a fait appel à un cabinet de conseil. Mais cela n’a servi à rien, car ils continuent à chipoter sur la composition de notre délégation, qui a été décidée par les salariés de l’Ormeau. On voit bien qu’il n’y a pas une volonté réelle de négocier. Sur la clinique, la situation est réellement détériorée. L’ARS aurait dû intervenir bien plus tôt dans ce conflit. Elle accepte de maintenir des activités dans un état très dégradé. Les entrées continuent à s’effectuer à la clinique, en passant par les urgences. On est confrontés à un groupe, Médipôle, le troisième groupe français, en cours de rachat par ELSAN, le deuxième groupe du pays. Nous avons le sentiment qu’ils veulent nous briser. Dans ce mouvement de grève, notre détermination reste intacte. Les personnes se sont mises en grève pour défendre leurs conditions de travail et leurs valeurs en tant que soignantes. Cette direction avec ses méthodes de management est en train de déshumaniser la clinique. C’est une gestion purement financière. Les personnels en grève tiennent à dire qu’ils ne sont pas de simples exécutants décérébrés. Ils tiennent à leurs valeurs humaines et veulent accomplir leur travail, dans de bonnes conditions de prise en charge des patients. Les salariés essaient de faire au mieux de leurs possibilités et ils s’épuisent. Les arrêts de travail ont augmenté de plus de 30%. Cela devient impossible ! »

Laurence Charroy revient ensuite sur un autre aspect de la colère des personnels de la Polyclinique.  « Nous nous sommes mis en grève aussi pour nos salaires, et pour la reconnaissance de nos métiers. Si l’on se compare à l’ensemble des cliniques du groupe, nous sommes largement au-dessous des accords d’entreprise. Certains salariés sont restés 20 ans au SMIC. Nous demandons donc une juste rémunération. Après 25 jours de grève, vendredi dernier, la direction ne nous a proposé qu’une prime « one shot » de 400 euros bruts et une hausse de 1,5% seulement pour les bas salaires. Il faut que les pouvoirs publics réagissent, car ils s’en moquent. Ils sont en train de mettre à mal notre système de protection sociale et l’accès aux soins pour tous. Certaines spécialités n’existent plus qu’à la Polyclinique dans notre département. Des mesures comme le déconventionnement avec la Mutualité Française posent problème pour la santé publique ».

Isabelle, aide-soignante, enchaîne en apportant son témoignage. « Je travaille depuis 15 ans à la clinique de l’Ormeau. Depuis deux ans, bientôt, nous vivons des conditions de travail dramatiques, notamment l’été. Le personnel n’est pas remplacé sur des congés posés depuis six mois, idem pour les arrêts maladie. Les infirmières, les aides-soignantes, les secrétaires, les ASH, sont dispatchées dans des services qu’elles ne connaissent pas et dont elles ne maîtrisent pas les spécificités. Pour ma part, je suis une salariée « fantôme » depuis début septembre. Du jour au lendemain, notre service ayant été supprimé, nous avons été envoyées, avec ma collègue sur un autre service, « en surplus ». Quand on a demandé ce qu’il allait advenir de nous, on nous a répondu qu’il n’y avait plus de poste pour nous au sein de la Polyclinique. Au bout de 15 ans d’entreprise, vivre cela, c’est dur. Je trouve lamentable que depuis dimanche dernier où nous avons investi la clinique, la direction ne réagisse pas. On se demande où se trouve l’excellence prônée par la Polyclinique ».

Enfin, Nadège, la troisième représentante des salariés, intervient à son tour. « Je suis secrétaire depuis 16 ans. Je travaille sur deux services au quotidien et je suis aussi élue au CHSCT. Nous avons subi, de la part de la direction, beaucoup d’entraves à l’exercice de ces instances. Samedi dernier, les représentants du personnel n’ont pas pu rentrer dans l’établissement. Au niveau des projets de restructuration, nous en avons été informés après les autres salariés. Les instances font remonter les problèmes comme les changements d’horaires quasiment au quotidien. La direction ne prend pas en compte les remarques des instances représentatives des salariés ».

Michel Pélieu, le président des Hautes-Pyrénées, touché par ces témoignages, leur répond alors : « merci à toutes les trois, pour vos interventions pleines de sincérité. Vous avez eu raison de venir jusqu’à nous pour exposer ces problèmes qui ne nous laissent pas indifférents. Même si le département n’est pas compétent en matière de santé, nous ne pouvons pas nous exonérer de penser à l’offre sanitaire sur notre territoire. Nous avons voté tout à l’heure à l’unanimité un vœu, proposé par Jean Buron et Andrée Suquet, pour soutenir les salariés de la Polyclinique de l’Ormeau. Un vœu sur lequel chaque groupe s’est exprimé, et a formulé sa totale solidarité avec les salariés en grève, toutes tendances confondues ».

Un bref échange suit entre le président Pélieu et Laurence Charroy concernant la prise en charge des malades atteints de cancers. « Contrairement à ce qui a été écrit dans un communiqué de presse des médecins, le personnel du service de chimiothérapie, solidaire de notre mouvement, et non gréviste, a certifié qu’il n’y a eu aucun retard et aucun empêchement concernant les soins », souligne la responsable syndicale.  « Nous appelons les parties prenantes à reprendre le dialogue rapidement pour que des solutions justes et efficaces puissent être trouvées. Jean Glavany, dans son intervention, a évoqué un entretien que nous avons eu la semaine dernière avec l’ARS, au cours duquel nous avons dénoncé la situation sanitaire catastrophique dans le département, pour le public comme pour le privé », confie Michel Pélieu. « La Polyclinique était un établissement plutôt exemplaire avant ce changement de propriétaire. Sa pérennité est désormais en danger. Soyez assurés de notre solidarité et de notre soutien. Nous allons chercher le moyen d’interpeller la direction de cette Polyclinique pour que le dialogue se restaure ». Apostrophé par l’un des responsables de l’UD CGT, José Navarro, Michel Pélieu s’engage à écrire, en tant que président des Hautes-Pyrénées, à la direction de la Polyclinique. Puis, il relit, devant les salariés, la motion adoptée à l’unanimité par les conseillers départementaux (voir par ailleurs sur notre site le texte intégral de cette motion).

Les trois déléguées quittent alors la salle de délibération, puis retrouvent dans le hall de l’Hôtel du Département leurs collègues et les soutiens qui ont assisté à la séance. Deux conseillers départementaux sortent à leur rencontre. Isabelle Lafourcade, élue du groupe PRG, mais selon ses propres termes « de sensibilité Front de Gauche », et Frédéric Laval, président du groupe socialiste au Conseil Départemental, vont proposer aux autres élus de contribuer à la collecte de solidarité en faveur des salariés en grève. « Nous réfléchissons aussi à l’organisation de démarches auprès de la direction de la Polyclinique et auprès de l’Agence Régionale de Santé », affirment les deux élus. Cette matinée a rasséréné les grévistes, qui vont subir une terrible douche froide vendredi en fin d’après-midi. « Nous avons reçu une assignation au tribunal pour 17 salariés, concernant l’occupation de la clinique de l’Ormeau-Centre », confie Lucie, l’une des infirmières en grève. « Nos collègues seront convoqués mardi matin à partir de 9h30 devant le tribunal de grande instance de Tarbes ». L’un des soutiens présents, Gilles, fait remarquer que pendant ce temps, « le médecin qui a renversé Dominique et Wilfrid la semaine dernière n’a fait l’objet d’aucune assignation en justice. Pourtant, Wilfrid doit repasser un scanner, pour vérifier s’il n’a pas subi une fêlure de la vertèbre ». Les salariés en grève ne baissent pas les bras pour autant, et ils comptent solliciter le témoignage des élus en leur faveur.

Dernier épisode de cette journée particulièrement mouvementée : la publication d’un communiqué de presse reprenant une lettre datée du 8 décembre 2016 et adressée nominativement par le directeur de la Polyclinique, Cyril Dufourcq, a Laurence Charroy, déléguée syndicale de la CGT. Problème : la destinataire de la lettre assure ne pas en avoir eu connaissance, au contraire de plusieurs collègues non-grévistes. Dans ce courrier, Cyril Dufourcq souligne que « la grève qui paralyse la Polyclinique de l’Ormeau depuis plus de 30 jours dégrade progressivement l’outil et la relation de travail au sein de notre entreprise. Nous le regrettons et réaffirmons notre volonté de sortir de cette situation ». Il détaille alors plusieurs propositions de la direction pour sortir du conflit social. Tout d’abord, pour les salaires, il suggère de mettre en place « un complément de 13ème mois pour les personnels, portant la RAG à 8,33% et une prime exceptionnelle et immédiate de 500 euros bruts, soit environ 390 euros nets par personne ». En formulant cette proposition, le directeur affirme : « nous multiplions par deux l’effort financier que nous avions envisagé à l’origine ». Il précise ensuite plusieurs mesures concernant l’organisation du travail. Pour la principale pomme de discorde, à savoir la mutualisation des services Hospitalisation de semaine 1 et 2 et chirurgie conventionnelle, Cyril Dufourcq assure avoir « initié un groupe de travail sur ce sujet, pour parvenir ensemble à une solution, le cas échéant avec une phase de test ». Il conclut sa lettre par un appel à la reprise du travail.

Dans un communiqué en réponse à ce courrier, vendredi soir, les salariés de la Polyclinique dénoncent « la ficelle de la manipulation qui se fait de plus en plus grosse. Ainsi, nous découvrons aujourd’hui que la direction diffuse, uniquement au personnel non-gréviste, ainsi qu’à la presse, un courrier daté du 8 décembre 2016 à l’attention de la déléguée du personnel Laurence Charroy, dont elle n’a pas eu connaissance, alors qu’il comporte des propositions. Une nouvelle preuve, s’il en est, des manoeuvres en tout genre de ce groupe, qui n’hésite pas à user du délit d’entrave, pour s’attaquer aux salariés en grève et à leurs représentants ». Et les grévistes concluent leur communiqué en ces termes : « que la direction en finisse avec ces atermoiements et accepte de s’asseoir à la table des négociations afin de discuter sérieusement. Comme nous l’avons fait savoir ce matin à l’ensemble des élus départementaux réunis en séance plénière il est temps qu’élus locaux et nationaux, ainsi que les Ministères de la Santé et du Travail, enjoignent au groupe Médipôle Partenaires de revenir à la table de négociation. Les salariés restent déterminés et continueront d’exiger la reconnaissance professionnelle, ainsi que l’amélioration de leurs conditions de travail et des conditions d’accueil des patients ». Ce vendredi soir, le loto de solidarité organisé à Séméac a réuni plus de 800 participants. Un succès inattendu qui traduit l’importance du soutien apporté à ce mouvement social par la population des Hautes-Pyrénées. A l’entrée du hall de la clinique de l’Ormeau-Centre, une tente Quecha est désormais installée. Comme le signe d’un enracinement de la révolte des salariés.

Jean-François Courtille

Diaporama