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Les nuits dans la rue des demandeurs d’asile
Jeudi soir à Tarbes, trois jeunes demandeurs d’asile albanais, Claudio, Bego et Lode, s’apprêtaient à passer la nuit dans la rue, après la fermeture de la gare, espérant toujours un hébergement de dernière minute. L’un d’entre eux a confié avoir déjà passé dix nuits d’affilée dans la rue. Vendredi, une famille albanaise avec deux enfants risque de connaître le même sort. Les associations, réunies mercredi soir à Tarbes pour les « Etats Généraux du Réseau Education Sans Frontières », lancent un appel désespéré aux pouvoirs publics.
Leur regard n’exprime aucune colère. Seulement une profonde tristesse, et une certaine résignation. Claudio, Bego et Lode contemplent la ville de Tarbes depuis l’entrée de la gare, ce jeudi 10 novembre 2016. Ces trois jeunes demandeurs d’asile albanais savent qu’ils vont devoir peut-être passer une nouvelle nuit dans la rue, faute de solution durable d’hébergement. Le thermomètre affiche 10 degrés, mais heureusement, la pluie a cessé. « J’ai mon rendez-vous à la préfecture de Toulouse le 26 décembre. D’ici là, aurai-je survécu au froid ? », s’alarme Claudio, qui confie avoir déjà passé dix nuits d’affilée dans la rue, avant de bénéficier d’un logement provisoire entre lundi et mercredi. Ses deux compagnons d’infortune, Bego et Lode, doivent se rendre à Toulouse le 22 novembre. D’origine albanaise, les trois jeunes hommes ont la malchance de venir d’un pays considéré comme « sûr » par l’Union européenne et par la France. Pourtant, chaque jour, des demandeurs d’asile albanais arrivent à Toulouse. La plupart du temps, ils fuient les persécutions de la mafia albanaise, dont la cruauté n’a pas grand-chose à envier à ses tristement célèbres consoeurs italiennes.
Après un premier passage à la préfecture de Toulouse, les demandeurs d’asile sont invités à prendre le train pour chercher un refuge dans l’une des autres villes du Sud-Ouest. C’est ainsi que Claudio, Bego et Lode sont arrivés à Tarbes. Ils ont passé le plus clair de leur temps entre la gare, pendant la journée, et la rue, quand aucun hébergement n’était disponible pour la nuit. Leur seul contact régulier : une bénévole lourdaise, Danièle, qui vient de fonder une association d’accompagnement des demandeurs d’asile dans sa ville. Ce jeudi 10 novembre, Danièle a contacté le père Saint-Martin, curé de la Cathédrale de Tarbes. « Nous ne disposons d’aucun hébergement disponible pour accueillir ces personnes », se désole le prêtre. « Je veux bien essayer de contacter le Prieuré Notre Dame des Neiges, à Laloubère ». Le père Saint-Martin appelle donc les religieux Prémontrés, qui ont un appartement pour les personnes de passage. Mais il est déjà occupé par une famille albanaise arrivée depuis huit jours. Au115, le service téléphonique chargé de coordonner la prise en charge des situations d’urgence dans les Hautes-Pyrénées, une charmante jeune femme répond après 14 tentatives d’appel. D’une voix douce, elle avoue que cette nuit « tous les hébergements sont déjà pris ». Elle constate la difficulté récurrente à trouver des logements pour les personnes dans la rue, demandeurs d’asile compris.
Jean-Louis Imbert, délégué du Réseau Education Sans Frontières, avoue sa lassitude. « Nous sommes très inquiets face à la dégradation croissante de la situation des demandeurs d’asile dans les Hautes-Pyrénées. Nos partenaires de la Cimade effectuent la même analyse. Il faut vraiment que les pouvoirs publics se décident à prendre en charge cette question de l’hébergement ». Mercredi soir, lors des « Etats Généraux du Réseau Education Sans Frontières », auxquels ont participé une quarantaine de personnes, les militants associatifs ont évalué à 30 le nombre de demandeurs d’asile sans domicile fixe : 20 adultes et 10 enfants. RESF et ses partenaires, comme la Cimade, envisagent de nouvelles actions pour sensibiliser les citoyens et alerter les pouvoirs publics au cours des prochaines semaines. Et en effet, l’urgence s’aggrave. Vendredi matin, une famille albanaise, avec deux enfants âgés respectivement de 7 et 9 ans, va passer la journée à la gare de Tarbes. Sans être assurée de ne pas passer la nuit suivante dans la rue …
Jean-François Courtille
NDLR : pour respecter la dignité des trois jeunes demandeurs d’asile albanais, nous avons choisi de ne pas les prendre en photo.
Rédaction
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