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« Les arts doivent s’entremêler pour élargir l’espace du rêve »

jeudi 4 février 2016 par Rédaction

L’exposition « Welcome to Caveland », le spectacle « La mélancolie des dragons » et le film « Sud Eau Nord Déplacer », présentés au Parvis cette semaine, ont un point commun : la participation du metteur en scène, artiste plasticien et directeur du Théâtre de Nanterre Amandiers, Philippe Quesne. Invité par Magali Gentet, directrice de l’espace d’art contemporain du Parvis, il nous a confié sa vision de son métier et a détaillé la genèse de ces trois projets.

Quelle philosophie de l’art essayez-vous de servir en tant que directeur du Théâtre de Nanterre-Amandiers ?

C’est la deuxième saison que je dirige le Théâtre des Amandiers. Le projet est d’essayer d’accompagner tous les arts. Pas seulement le théâtre, mais aussi la danse et les arts visuels. Depuis deux ans, la programmation du théâtre est beaucoup plus mixte. Nous avons développé un volet sur la recherche, accentué la présence de l’université de Nanterre. Un théâtre, c’est une grande fabrique utopique. Ce sont des portes ouvertes le soir pour les spectateurs. Mais dans la journée, les artistes travaillent, répètent, écrivent. Ils essaient aussi de s’inspirer d’un territoire, d’une ville, de ses habitants. Les décors se construisent. Depuis de nombreuses années, les disciplines artistiques se sont décloisonnées. Il n’est pas rare de retrouver aux Amandiers des personnes venant du chant ou de la danse, des chorégraphes comme Maguy Marin. Un Centre dramatique national a cette grande mission de produire des spectacles.

Autre aspect de sa mission : permettre aux artistes de répéter dans le calme, parfois pendant de nombreux mois. Nous avons ainsi accueilli trois mois, en secret, la préparation du grand spectacle de Joël Pommerat sur la Révolution française, que nous avons co-produit et défendu. C’est comme cela que l’on peut ensuite monter des tournées, pour aller dans les différentes régions de France. Je me suis toujours senti très proche de la programmation du Parvis, que je trouve très ouverte et très riche. Cette Scène nationale entretient des fidélités avec les artistes. Par les temps qui courent, beaucoup de lieux renoncent à inscrire dans le temps une histoire. Certains théâtres réagissent un peu comme « à l’audimat ». Parfois, les démarches d’artistes sont difficiles à imposer, il faut être patient. C’est pour cela que je ressens une connivence avec le Parvis, qui a un niveau d’exigence rare. Dans le paysage théâtral en France, ce lieu est souvent cité. Il a aussi une programmation internationale. L’ancrage territorial est fort. Les productions défendues sur la Scène du Parvis ou au Centre d’art contemporain sont au cœur des préoccupations de la société. Une vraie fidélité aux artistes est manifestée. A Nanterre, une aventure importante, très excitante, a démarré. J’ai envie de prendre des risques. Il n’est pas rare de voir des cinéastes se tourner vers la scène ou des chorégraphes qui ont envie d’exposer. Aux Amandiers, nous sommes en train de tenter ces démarches de croisement. Nous avons ouvert au sein du Théâtre des zones d’exposition pour que les arts s’entremêlent.

« Welcome to Caveland », l’exposition que vous avez préparée en partenariat avec le Centre d’art contemporain du Parvis, sera inaugurée jeudi soir, et proposée au public pendant plusieurs semaines. Quel est le fil conducteur de cette exposition ? Quel type de création plastique avez-vous souhaité y déployer ? Quel message proposez-vous par le biais de cette exposition ?

Nous sommes venus en tournée il y’a un an et demi avec « Swamp club », qui parlait d’un Centre d’art en difficulté. Dans ce spectacle, la taupe géante était déjà présente. Cet animal allégorique trouvait un gisement d’or sous le décor, dans l’espace de marécage qui était le lieu principal de la pièce. J’ai eu envie de prolonger l’existence de cet animal pour le projet « Caveland ». Pendant une autre tournée, au cœur de l’hiver, nous avions voulu nous rendre au Pic du Midi. Mais à cause des intempéries, nous avons dû nous réfugier au Gouffre d’Esparros avec les comédiens. Alors est apparue l’idée de la caverne. Et tout ce potentiel de puissance thématique, de renvoi à des textes, à l’allégorie du « mythe de la caverne » de Platon.

Ce projet au Centre d’art du Parvis marque le début d’un long fil thématique qui va se creuser pendant des mois, pour aboutir à un spectacle théâtral. La taupe est parachutée à Tarbes. Elle arrive avec un camion-caverne mystérieux, comme on en trouve dans les cirques. Le public va contempler la taupe en vie dans un film que j’ai tourné à New York l’année dernière. Il verra aussi une série de programmes d’autres artistes visuels, préoccupés par les grottes, les sous-sols et les cavernes. Il découvrira des films de fiction, comme celui de Pauline Curnier Jardin, qui met en scène Bernadette Soubirous. Avec Magali Gentet, la directrice du Centre d’art contemporain, nous avions envie de penser l’exposition comme une sorte d’inventaire de la thématique. Nous voulions montrer des manières différentes d’approcher le monde souterrain. Cela passera par des performances, comme celle du plasticien Laurent Le Deunff, qui proposera aux enfants un atelier avec la réalisation de « costumes de roche ». Les taupes reviendront en mars et en avril avec des comédiens.

Quel est selon vous l’intérêt de croiser les différentes formes d’arts plastiques ? En quoi cela permet-il d’accrocher davantage l’intérêt du public ?

L’art visuel est polyvalent. Il va des écrits à la sculpture en passant par la performance et le vivant. Le théâtre, par contre, s’est enfermé à une époque dans une définition uniforme. L’éclatement des formes vient pour moi des arts visuels. Ils ont redonné au théâtre une ambition qu’il avait perdue. Aux Amandiers, nous traitons le texte comme l’un des matériaux possibles du théâtre, comme de l’art visuel ou de la danse. Je militerai plus pour la banalisation de ces mélanges. Les artistes eux-mêmes n’ont pas inventé ces catégories séparées. Le public est totalement curieux et libre, il peut évoluer et faire son chemin dans cette approche nouvelle des arts.

Dans « La mélancolie des dragons », vous prenez le contrepied des figures classiques. Un groupe de hard-rockers tombe en panne au milieu de nulle part. Il va être secouru par une femme qui ressemble à Blanche-Neige. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour ce spectacle ?

C’est un univers proche du conte de fées. Mais c’est un conte urbain et contemporain, marqué par un fond de désillusion et de désenchantement. Je vois les hard-rockers plutôt comme des chevaliers d’un monde moderne d’où les dragons auraient disparu. Leur quête principale est peut-être la défense de l’art. Ils ont une certaine croyance dans une sorte de parc d’attraction moderne. J’éprouve une vraie mélancolie quand je constate la disparition de ce bestiaire moyenâgeux, qui mobilisait l’imaginaire des personnes. J’ai envie de m’emparer de ces symboles, de manière très simple et dérisoire, avec des matériaux pauvres et des personnages hébétés face à ce qui leur arrive. Ils sont néanmoins conscients de leur destin, plongés dans un décor cotonneux qui évoque la neige. C’est un univers qui prend son temps. Un univers scénique qui laisse la possibilité au spectateur de vivre au ralenti, par contraste avec la vitesse du monde actuel. Dans l’exposition, la taupe est présente comme une trace d’un art vivant. Cette créature va vivre sous d’autres formes. Elle va ouvrir les enfants, comme les autres publics, à l’espace du rêve.

Le cinéma du Parvis vous a donné carte blanche pour proposer un film en première partie de votre spectacle. Pourquoi avez-vous choisi le film « Sud Eau Nord Déplacer » ?

D’abord, à cause de la puissance du film. C’est l’un de mes plus grands souvenirs artistiques de l’année dernière. Le cinéaste Antoine Boutet est un ami. Son travail, très exigeant, me touche. C’est un grand sujet politique sur la destruction d’un paysage en Chine. Le film laisse la place à la poésie. Les cinéastes documentaires sont souvent méconnus. Ils trouvent difficilement des circuits de diffusion. Ils ne proposent pas des reportages d’actualité. Ce film a des zones d’errance, des phases de relation pure et picturale au paysage et à l’univers sonore. Cette oeuvre propose aussi une autre approche du thème des souterrains. La destruction du paysage chinois rend le projet à la fois sublime et atroce. Cela renvoie à des peintures anciennes comme celles de Brughel. Ce film a rencontré son public en France, mais n’avait jamais été diffusé à Tarbes. Je suis fier de pouvoir le présenter ici pour la première fois !

Propos recueillis par Jean-François Courtille

Le vernissage de l’exposition « Welcome to Caveland », en présence de l’artiste, aura lieu ce jeudi 4 février à 19h, au Centre d’art contemporain du Parvis. Entrée libre. L’exposition sera ouverte au public pendant plusieurs semaines. « La mélancolie des dragons » sera présentée au Parvis vendredi 5 février à 20h30. La « carte blanche » du cinéma du Parvis à Philippe Quesne sera l’occasion de découvrir le film d’Antoine Boutet, « Sud Eau Nord Déplacer », vendredi 5 février à 18h. Scène Nationale du Parvis – Route de Pau – 65 420 Ibos – Billetterie : tél 05 62 90 08 55 – www.parvis.net