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Tribunal de Commerce : une audience solennelle sous le signe de la colère

samedi 24 janvier 2015 par Rédaction

L’audience solennelle du tribunal de commerce a été marquée par une grosse colère exprimée dans le discours percutant et sans concession de son président Guy Baudéan. En cause : le projet de réforme et la Loi Macron.

Auparavant, il a été rendu compte de l’activité de cette juridiction durant l’année écoulée.

Cette année encore, l’activité du tribunal de commerce a été marquée par une hausse des défaillances des entreprises. 29 % affectent la construction, 23 % pour la restauration et l’hébergement, 21 % le commerce, 12 % l‘industrie, 6 % les services, 4 % les transports. Le nombre d’inscriptions d’entreprise individuelles et de sociétés commerciales au RCS s’établit à 556, pour 475 radiations, soit un solde positif de 81, ce qui constitue un vrai tassement.

154 dossiers ont été clôturés dont 4 seulement par extinction du passif. Cette année, on a enregistré 262 dossiers de procédures collectives contre 257 en 2013 et 180 en 2009.

Au plan national, les défaillances se situent à un niveau historiquement élevé de 63 400 faillites, contre 63100 en 2013, soit + 1 %.

Et Guy Baudéan d’ajouter : « L’amour déclaré et assumé du Premier Ministre pour les entreprises n’y change rien : la série noire continue. Ce sont maintenant les entreprises de taille moyenne qui portent un lourd tribut à la crise. Elles représentent désormais 38 % des défaillances contre 29 % il y a un an et 25 % en 2009. Les trois quarts des jugements prononcés sont des liquidations judiciaires directes. Cette accélération significative témoigne de la forte fragilité des entreprises qui se présentent à nous. In fine, dans 9 cas sur 10 ces procédures se traduisent par une liquidation, c’est à dire que ces entreprises sont rayées de la carte. Ce sont là des marqueurs qui signent la sévérité d’une dépression économique durable ».

Les perspectives

« Les grands Instituts internationaux, tels que Euler Hermès, leader mondial de l’Assurance Crédit, ou encore le FMI estiment que le taux de croissance de 0,8 % du PIB attendu en 2015 est nettement insuffisant pour stabiliser le niveau de défaillances qui reste très élevé et devrait demeurer similaire en 2015.

En effet, un taux de croissance durable et consolidé sur une longue période supérieur à 1,7 % du PIB est nécessaire pour envisager un commencement de reflux, alors que dans le même temps, la France vient d’être rétrogradée à la sixième place de l’économie mondiale, cédant ainsi son rang au Royaume Uni.

Il ne servirait à rien de se draper dans un voile teinté d’optimisme convenu, pour masquer des évidences, reflet d’une réalité qu’il faut affronter avec courage et lucidité, sans démagogie.

Depuis le début de ce 21ème siècle, les maux sont connus :

Les dépenses publiques n’ont cessé d’augmenter :3,1 % en moyenne annuelle alors que depuis 2008, la croissance augmente seulement de 0,3 % en moyenne.

Voilà le problème.

Il ne sera réglé que par l’application d’une thérapie de choc ou par le chaos. Quand ? C’est la question ? »

La réforme qui fâche

La président Baudéan abordait alors le sujet qui fâche. attendus avec une sérénité résolument constructive.

« Il s’agit, dit-il, de cette Arlésienne qui chemine depuis trois ans et qui, impulsée par la Chancellerie, vise à réformer la justice commerciale pour la moderniser, la rendre plus performante, plus efficace, plus sûre... plus tout... et tout...

Aujourd’hui même, et précisément au moment où je m’exprime, l’heure du jugement dernier est arrivée. En effet le Parlement est saisi du projet de loi Macron dont il va débattre pour légiférer.

Ainsi, dans les jours à venir, notre sort sera scellé... Enfin dirais je...

A l’aune de cette réforme, nous sommes en proie à la colère ; elle va s‘exprimer ici par ma voix.

Je vous invite à l’entendre et à la recevoir (cette colère) dans son acception la plus sereine, la plus apaisée, la plus raisonnée, la plus contenue.... mais quand même la plus froidement déterminée. Elle est l’expression d’une vive émotion de l’âme... Et non une force colérique passionnelle, indignée, violente ou méchante... bien au contraire...

Je vais résumer succinctement les faits :

L’Exécutif a entrepris, dans le cadre de son programme quinquennal, la modernisation de la justice du 21ème siècle.

Elle est nécessaire et justifiée, personne ne le conteste.

En marge de cette Institution, il est deux exceptions françaises qui font débat.

Le Conseil des Prudhommes et les Tribunaux de Commerce.

En ce qui nous concerne, la Chancellerie a constitué une Commission Parlementaire, une myriade de groupes de travail et de réflexion et consulté maintes fois le Conseil National des Tribunaux de Commerce (au sein duquel siège notamment notre président honoraire Michel Voltas)

Des mois durant, des contributions nombreuses, profondes, prolixes même, ont été rendues pour préparer utilement et nourrir les débats, attendus avec une sérénité résolument constructive.

Le postulat de cette démarche de refondation était basé sur le fait que notre institution séculaire n’était plus en mesure de répondre à l‘évolution et à la complexification du droit et du monde des affaires à visée internationale.

Pour en convaincre... notre incompétence, notre partialité, notre mode électif, notre bénévolat suspicieux ...notre petitesse ...que sais je encore ont été avancés... pour constituer la toile de fond, voire le fil rouge de ce long débat préparatoire.

Dans le milieu judiciaire, on appelle ça ... une instruction à charge... soit... De manière plus pragmatique... On peut dire aussi « Qui veut se débarrasser de son chien ...l’accuse de la rage... »

Au terme de ce long et improbable parcours chaotique trois axes fondamentaux de réforme ont été retenus,

Ils l’ont été sans concertation aucune, excluant même l’essentiel de nos propositions, laissant encore transpirer une totale défiance envers l’institution consulaire.

Quand je vous dis colère !!!

Dans le cadre du choc de simplification ces trois volets sont portés par deux ministères :

Par la Chancellerie

L’Echevinage (mixité entre magistrats de carrière et juges consulaires) Le statut du Juge du Commerce

Par le Ministère de l’Economie (Bercy)

La création des juridictions spécialisées (TCS)

L’accouchement du texte définitif de la loi Macron qui sera présenté aux parlementaires dès ce lundi 26 janvier se fait dans la douleur.

Près de 2000 amendements ont été déposés devant la commission spéciale mise sur pied pour rédiger le projet.

Il faut savoir que dans une ambiance hypertendue et électrisée, constellée de lobbyistes, et à l’instar des professions réglementées, ou Prudhommales notre Institution Consulaire se trouve au cœur d’un véritable enjeu de pouvoir, dans la mesure où Bercy veut s’arroger la prééminence de la conduite du redressement économique, sous toutes ses formes, au détriment de la Chancellerie ... qui résiste.

De ce fait, tous les opérateurs économiques et réglementés visés par la loi sont otages de cette guérilla... interministérielle qui incite à se tenir à l’écart de possibles... balles perdues....

Heureusement notre problématique, peu connue du grand public, est peu médiatisée.

Mais, revenons à nos moutons....

S’agissant de l’échevinage, telle une marmelade, on a tenté de nous le servir sous toutes les formes sémantiques... rampante... déguisée... adoucie ... annulée... adaptée... réduite ...spécialisée

Rien n’y fait ... Rien n’y fera....

Même les amendements d’origine parlementaire susceptibles de rentrer, ces jours ci ...par la porte de derrière....

Notre vigilance est totale ... elle est hyper mobilisée...

Nous avons toujours été, et y sommes toujours farouchement opposés, car elle n’apporte pas la preuve de son utilité.

Vous allez comprendre que notre opposition n’est pas fondée sur une résistance primaire, encore moins basée sur des principes démagogiques d’un autre temps.

Par exemple, lorsque l’on lit cette déclaration récente d’un éminent magistrat, dirigeant syndical influent et leader d’opinion. Je le cite :

« La vraie réforme à faire est celle de la justice consulaire. Depuis vingt ans, nous savons qu’il y a dans les petites juridictions des problèmes de conflit d’intérêt ...voire parfois de compétence. Les jugements des tribunaux de commerce et des prudhommes sont ceux qui génèrent le plus d’appels. Cela montre bien qu’il y a un problème. Il y a depuis longtemps un fort lobbying pour maintenir en l’état ces structures »

Voilà, Mesdames et Messieurs, l’état de considération dans laquelle on nous tient.

De surcroit, ces affirmations sont à regarder comme un acte de désinformation, car, il est manifeste que ces assertions péremptoires sont mal fondées, en ce qui concerne, en tous cas, les juridictions que je connais.

Comme disait ma grand mère :

Ce n‘est pas avec du vinaigre que l’on attire les mouches... Voilà aussi pourquoi nous sommes en colère.

Voilà aussi pourquoi nous n’accepterons jamais l’échevinage.

Concernant le statut du juge, nous l’appelons de nos vœux.

Il doit garantir, contrôler et encadrer une formation continue rigoureuse sous l’égide de l’ENM.

C’est pour nous une véritable valeur ajoutée porteuse de sécurité juridique. Il vise également un renforcement des règles de déontologie ainsi que l’égalité des droits et des devoirs avec les magistrats de carrière.

Il doit, aussi et surtout, nous assurer une garantie fonctionnelle (assurance responsabilité)

Car, il faut savoir qu’actuellement, si un juge commet une erreur ou une faute dans l’exercice de sa fonction, il peut être poursuivi personnellement par tout justiciable, l’obligeant à assurer sa défense ...à ses frais. C’est une abomination pour un bénévole !!!

Pour palier cet inconvénient, notre institution a néanmoins souscrit, récemment, une couverture assurantielle globale.

Enfin, en ce qui concerne la préconisation de spécialisation automatique.

Il s’agit de créer des Juridictions spécialisées dons le nombre n’est pas encore connu. Il y a peu on nous parlait d’une par Cour d’Appel.... soit 36.

Les derniers bruits de couloirs ministériels laisseraient à penser qu’il pourrait être ramené à une petite dizaine.

Se pose maintenant, la notion des seuils de saisine, qui seront fixés ultérieurement par décret.

Nous ne sommes pas contre ce principe, seulement contre son caractère automatique.

Nous proposons que les critères à retenir soient en cohérence avec ceux applicables à la saisine du CIRI, c’est à dire au dessus de 400 salariés.

Nous préconisons aussi, à notre initiative, votre saisine directe, Monsieur le Premier Président, afin de vous laisser le choix souverain d’une éventuelle délocalisation, si vous la jugez utile.

Nous considérons volontiers que ces dossiers concernant des groupes nationaux ou internationaux ont vocation à être traités par des juridictions importantes qui disposent de moyens humains, matériels, techniques et juridiques mieux adaptés à ces situations complexes impactant souvent un grand nombre de salariés.

Ceci posé, tout observateur neutre et objectif admettra aisément que nous sommes pas de ces juges tant vilipendés que l’on a voulu dépeindre comme étant rétrogrades, archaïques, corporatistes ... que sais je encore

Qui défendent bêtement leur pré carré ... Et pour en faire quoi ? C’est bien tout le contraire que nous démontrons au grand jour.

Vous savez tous que la qualité première d’un entrepreneur est bien sa faculté d’adaptation aux exigences économiques et concurrentielles de son environnement, dans des conditions extraordinairement difficiles.

Alors ... le serions nous seulement dans nos entreprises et incapables de l’être sous notre robe de juge ?

La réponse est dans la question ».

CONCLUSION

« Pour conclure, vous avez compris que nous vivons, ces jours ci, un épisode historique d’une gravité exceptionnelle et sans précédent.

Pour nous, juges du Commerce, le pronostic vital est engagé.

Nous sommes en proie à une charge émotionnelle forte et éprouvante, anxiogène.

C’est pourquoi, dans l’adversité, nous constituons, au plan national, un corps consulaire monolithique doté d’une force tranquille et sûre d’elle.

Nous ne sommes pas des adeptes de la pensée unique... loin s’en faut...

Pour autant, et la semaine dernière encore, je faisais partie de la centaine de présidents de juridiction réunis à Paris, pour réaffirmer notre solidarité sans failles, afin que soit reconnu l’immense travail de qualité et le dévouement sans bornes des 3200 juges consulaires de France.

Nous revendiquons cette notion globale de qualité, gage de notre compétence, et de la justesse de notre action parce qu’elle est confortée et validée par le très faible taux d’infirmation de nos décisions en Appel.

C’est un critère objectif et suprême qui ne saurait être discuté...

Tous ensemble, nous avons crié une dernière fois notre colère, notre foi et notre solidarité inébranlable cimentée par la force de notre bénévolat, dont nous sommes tellement fiers, parce qu’il est notre bouclier mental... »